9 Février 2018
Qu'est-ce que cela veut dire : "avoir le temps" ? Ce n'est pas quelque chose que l'on peut posséder, ni même maitriser, il faut faire avec, qu'on en soit satisfait ou non. Et pourtant, même le temps est soumis à un certain contrôle. Que l'on prenne le bus en payant pour y avoir accès pendant 1h ou en réalisant un examen sur table dans un amphithéâtre pendant 2 heures.
J'aimerai aborder avec vous cette notion de temps dans la représentation que l'on en a. 5 minutes peuvent paraître extrêmement longues ou extrêmement court. Cela va dépendre de ce que l'on attend de nous, de la pression qui nous entoure et de la passion que nous avons à réaliser une tâche. Nos vies sont rythmées par des alarmes, des horloges afin de compter combien de temps il nous reste.
Pourquoi sommes-nous pressés ? Pourquoi n'avons-nous pas le temps ? Pourquoi courrons-nous ? Cette thématique touche tous les domaines de la vie que l'on soit chef d'une entreprise, salarié, travailleur avec un handicap ou non.
Et cette dimension est imprimée en nous dés la naissance, car on nait un jour à une précise et cette date restera un élément central de notre existence. Puis, chaque instant, chaque seconde, chaque année on fête le jour qui nous a vus naître... Mais pourquoi est-ce que c'est essentiel ? Parce que cela va nous permettre de nous insérer dans la société, dans une norme sociale spécifique. Cela va délimiter notre entrée dans le monde scolaire. Mais cela va créer des différences entre les individus. Certains seront plus âgés et nécessiteront notre respect ou notre mécontentement. D'autres seront plus jeunes et nous allons devoir leur "apprendre à vivre" dans un cercle social, dans leur famille.
Le monde scolaire est un exemple à mettre en avant. Car c'est le début de notre formation en tant que futurs citoyens. Il y a des classes, une hiérarchie et un positionnement de Maitre-élève : "celui qui sait et celui qui ne sait pas". Mais la notion de temps n'est pas seulement visible à ce niveau. Car on apprend très vite à l'école que nous n'avons pas le temps de réfléchir. Il y a une question, il faut une réponse immédiate, par coeur ou erronée. Les programmes scolaires sont des guides temporels de l'apprentissage "normal" des connaissances de base.
L'enfant qui ne sait pas tout de suite n'a pas d'autre chance de répondre. Cela va le mettre en décalage par rapport aux autres et il ne sera pas intégré dans la classe, ou alors il deviendra un "élève timide" ou "turbulent". Mais plus encore, un enfant qui ne sait pas devant ses autres camarades va souffrir socialement de la pression qui l'entoure. Le maitre peut l'aide, lui dire que ce n'est pas grave, mais le regard des autres va imprimer en lui une notion déstabilisante : celle de l'échec.
Alors, parfois il va pleurer, de frustration parce qu'il n'a pas réussi, alors il ne va peut-être plus parler, plus participer et il va finalement adhérer aux représentations sociales que l'on a de "l'élève timide". Alors que... si on lui avait laissé le temps de répondre, de préparer sa réponse, il aurait peut-être donné son avis.
Les élèves en difficulté scolaire et en décrochage ont cette envie de réussir, mais ils ont peur de ne pas savoir quoi dire. La réponse de l'élève va être "Je ne sais pas". La notion de temps est essentielle et parfois incompréhensible dans le milieu scolaire. Car l'élève qui a besoin de temps pour répondre est un élève en retard par rapport aux autres qui eux peuvent donner la réponse tout de suite.
Alors, lorsqu'un élève nous répond "je ne sais pas", il faut parfois comprendre : " Laissez-moi 5 minutes, 10 minutes, voir une heure... et je vous donnerais ma réponse" donnez-moi le temps dont j'ai besoin !
Mais comme chacun sait, on n’a pas le temps, on a un programme à suivre, on ne peut pas s'attarder pendant une heure sur une question pour un seul élève. À quoi cela nous sert d'apprendre par coeur, si on n’apprend pas à réfléchir ?
Jérôme Jouret est docteur en sociologie et a soutenu sa thèse sur le monde de l'insertion professionnelle des jeunes travailleurs handicapés : entre segmentation et normalisation le 26 janvier 2024 à l'université de Reims Champagne Ardennes sous la codirection d’Emmanuelle Leclercq et Florence Legendre. Il est titulaire d’un master de science de l’éducation, orientation pratique et ingénierie de la formation dans un parcours Handicap et Besoin Éducatif Particulier, d’une maîtrise en psychopathologie et d’une licence en psychologie. Il a réalisé son mémoire de master sur le thème des besoins de formation des travailleurs d’ESAT en Champagne Ardennes sous la direction de Florence Legendre et en partenariat avec l’UNIFAF Châlons en Champagne. Actuellement en poste au sein de l'éducation nationale en tant que Coordonnateur Conseil MLDS ( Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire).
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