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Les progrès technologiques et l'adaptation

Les progrès technologiques et l'adaptation

Une récente conversation m'a fait me poser la question de savoir si l'évolution de l'Intelligence artificielle aurait un impact positif ou négatif sur la prise en charge du handicap. Deux facteurs sont à prendre en compte : l'économie et le social. On a tous en tête l'image de Stephen Hawkins assis sur son fauteuil roulant qui parle par l'intermédiaire d'un ordinateur avec une voix saccadée et mécanique. Au niveau de l'adaptation technique pour les personnes qui ont un handicap physique, cela va effectivement avoir un impact positif.

Il existe de nombreux prototypes de bras articulés de plus en plus fonctionnels et intuitifs qui peuvent remplacer un membre perdu. Mais cette technologie a un prix et elle n'est souvent accessible qu'aux plus riches qui peuvent se permettre de dépenser 10.000 dollars pour avoir un nouveau bras ou une nouvelle jambe. Mais parfois, les autres personnes vont devoir faire des crédits pour améliorer leur qualité de vie. Ces nouveaux outils technologiques vont leur permettre de retrouver du travail, donc de ce point de vue là c'est un facteur très positif. Mais qui sont ceux qui pensent et qui créaient ces outils ? Ce sont des techniciens, des ingénieurs qui sont parfois bien loin de la thématique sociale. J'ai pu faire l'expérience de ce décalage en Master 2. Une collègue travaillait en partenariat avec un IUT afin de créer un modèle de fauteuil roulant adapté aux difficultés de l'enfant en situation de handicap.

Ils avaient alors besoin d'un avis social sur leur projet, même s'ils avaient déjà conçu, pensé et commencé à monter le prototype, le plus efficace possible en termes de batterie, de design et de fonctionnalités diverses de manipulation et de contrôle de l'appareil. Mais, aucune étude n'avait été faite auprès des personnes concernées et ils s'étaient basés sur des apports théoriques et médicaux à propos de la pathologie. Ma collègue est alors entrée par la grande porte et a posé les questions de savoir s'ils avaient fait une étude auparavant pour vérifier quels étaient les besoins réels de la personne. Et alors qu'ils pensaient avoir fait le prototype idéal, ils se sont rendu compte qu'à l'usage, l'enfant préférait rajouter des éléments créatifs et personnalisables sur son véhicule, qu'ils avaient des préférences en termes de manipulation et de conduite du fauteuil roulant qui n'était pas du tout en accord avec ce qu'ils avaient imaginé. 

C'était là son sujet de mémoire que j'ai résumée, mais qui se développe avec plus d'exhaustivité. Finalement, ils voulaient juste un questionnaire de satisfaction, ils voulaient des données quantitatives alors que ma collègue leur avait donné des pistes de modification profonde de leur appareil et qu'ils n'allaient sans doute pas prendre en compte.

Alors, l'alliance entre le progrès technologique et les sciences sociales, humaines et médicales est nécessaire, voire même indispensable. Mais peut-on tout soigner avec la technologie ? Pour qu'une intelligence artificielle soit performante, il faut l'éduquer, l'instruire, lui apprendre les normes de notre société et il faut également lui permettre d'accéder à toutes les données qu'elle peut trouver. Mais le handicap est pensé comme quelque chose de défaillant, de problématique. Il faut pouvoir créer une IA dotée d'empathie avec des émotions. 

Une personne avec une trisomie 21 a besoin que le monde et que ceux avec qui elle vit changent de regard et de comportement à son égard et je ne sais pas si une IA pourrait palier aux représentations sociales et aux stéréotypes. Cela pourrait faire naître en elle un sentiment d'injustice si elle est dotée d'empathie et si elle trouve une situation injuste son expérience du monde des humains serait changée. Elle aurait alors accès à des ressources illimitées pour réparer ce qu'elle trouve injuste. Je suis dans l'exagération et un peu dans la science-fiction, mais ce questionnement est à se poser si l'on parle d'IA et d'adaptation.

La question économique restera néanmoins centrale dans l'avenir de notre société. Il y aura ceux qui pourront se faire opérer par des nanorobots et ceux qui ne pourront pas. Il y aura ceux que l'on aura remplacés par des androïdes pour effectuer des tâches difficiles et complexes et qui devront trouver un nouveau travail, de nouvelles compétences, de nouveaux types de formation. Nous sommes dans une période charnière de l'évolution de notre monde et tout est une question de recherche d'équilibre. La notion de handicap mental, de déficience intellectuelle sera certainement traitée d'une manière différente dans 100 ans ou 50 ans.

 

Mais tout cela va dépendre de notre évolution sociale et pas seulement technologique.

 

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À propos
Jérôme Jouret

Jérôme Jouret est docteur en sociologie et a soutenu sa thèse sur le monde de l'insertion professionnelle des jeunes travailleurs handicapés : entre segmentation et normalisation le 26 janvier 2024 à l'université de Reims Champagne Ardennes sous la codirection d’Emmanuelle Leclercq et Florence Legendre. Il est titulaire d’un master de science de l’éducation, orientation pratique et ingénierie de la formation dans un parcours Handicap et Besoin Éducatif Particulier, d’une maîtrise en psychopathologie et d’une licence en psychologie. Il a réalisé son mémoire de master sur le thème des besoins de formation des travailleurs d’ESAT en Champagne Ardennes sous la direction de Florence Legendre et en partenariat avec l’UNIFAF Châlons en Champagne. Actuellement en poste au sein de l'éducation nationale en tant que Coordonnateur Conseil MLDS ( Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire).
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