25 Septembre 2018
Comment le handicap, les personnes en situation de handicap sont-ils mis en avant dans la presse et dans les médias ?
C'est là une question essentielle si on s'intéresse au monde professionnel et plus précisément à l'inclusion professionnelle. Ce sont des cas uniques, l'exemple le plus frappant est celui de la jeune fille qui a eu l'occasion de présenter la météo sur France 2. C'est effectivement une manière de mettre en avant les personnes en situation de handicap, mais le jour d'après cet évènement, ils retombent dans l'oubli. Ils deviennent les héros du jour et retournent ensuite dans l'ombre.
C'est un exploit pour eux d'être là, mais c'est également un honneur. Mais quel message y a-t-il derrière ? Vous remarquerez que l'on ne met pas en avant des personnes porteuses de trisomie qui au fur et à mesure de leur parcours scolaire et professionnel ont obtenu une place de secrétariat dans une grande entreprise...
La raison à cela est que ce n'est pas prestigieux. Tout comme on ne montre pas dans les médias le parcours d'un travailleur en ESAT qui serait intégré au milieu ordinaire par son propre travail et sa volonté personnelle. Non, il faut montrer que l'état, la société est capables de donner un poste symbolique à une personne qui est en difficulté et dire au monde entier : regarder, il est là parce que nous le voulons bien. Cela ne met en avant ni la compétence de la personne, ni sa valeur et ses compétences professionnelles.
Le parcours d'un travailleur, qu'il soit en situation de handicap ou non est extrêmement complexe. L'insertion professionnelle est associée à des difficultés de plus en plus insurmontables. Il n'y a pas assez de places pour tous les demandeurs d'emploi. C'est le message qui est véhiculé par les médias. Alors, il faut quand même montrer que c'est possible, il faut faire rêver et en même temps, il faut entretenir cette incertitude. Voilà toute la complexité de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés.
Ce sont des héros du quotidien lorsqu'il s'agit de les montrer au grand public parce qu'ils ont réussi. Mais dans le bus, au coin de la rue, ou dans les ESAT, qui s'occupe de ceux qui restent dans l'ignorance et dans la complexité du monde ?
Nous sommes alors dans le contraire même du rêve américain ou les compétences, l'acharnement et la volonté d'une personne peuvent faire toute la différence. Mais la personne en situation de handicap n'évolue pas seule dans ce monde du travail, elle est entourée par sa famille, par les structures d'accompagnement spécialisé extrêmement nombreuses et qui se sont éloignées les unes des autres.
Alors le travailleur en situation exceptionnelle est bien là pour justifier la règle, car demain il ou elle ne sera plus sous le feu des projecteurs.
Jérôme Jouret est docteur en sociologie et a soutenu sa thèse sur le monde de l'insertion professionnelle des jeunes travailleurs handicapés : entre segmentation et normalisation le 26 janvier 2024 à l'université de Reims Champagne Ardennes sous la codirection d’Emmanuelle Leclercq et Florence Legendre. Il est titulaire d’un master de science de l’éducation, orientation pratique et ingénierie de la formation dans un parcours Handicap et Besoin Éducatif Particulier, d’une maîtrise en psychopathologie et d’une licence en psychologie. Il a réalisé son mémoire de master sur le thème des besoins de formation des travailleurs d’ESAT en Champagne Ardennes sous la direction de Florence Legendre et en partenariat avec l’UNIFAF Châlons en Champagne. Actuellement en poste au sein de l'éducation nationale en tant que Coordonnateur Conseil MLDS ( Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire).
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