21 Janvier 2019
Le handicap physique, psychique est-il toujours au centre des besoins éducatifs particuliers des élèves en difficulté ?
Cette question est intéressante parce qu'elle vient remettre en question plusieurs éléments. Les pratiques actuelles d'enseignement sont spéciales et non pas évoluées depuis l'invention même de l'école. Il y a des élèves assis sur des chaises courbés sur leurs feuilles et leurs livres trop lourds pour eux qu'ils devront garder dans leur sac toute la journée. Et puis, il y a l'enseignant, celui qui détient le savoir et qui a comme devoir de transmettre ce qu'il sait.
En début d'année les élèves du collège remplissent une fiche de renseignement sur laquelle ils mettent le métier de leurs parents ce qui vient d'emblée mettre l'accent sur l'importance des catégories socioprofessionnelles.
Je me suis toujours demandé ce qui se serait passé si j'avais eu dans ma famille un inspecteur d'académie ou même un enseignant. Aurais-je été privilégié ? Moins discriminé que mon voisin dont les parents sont agriculteurs ? Où que mon autre voisin dont les parents sont considéré comme "des gens du voyage" ?
Cette question du handicap social est trop peu éclairée et mise en avant, tout comme le handicap scolaire qui n'est lié à aucun trouble cognitif, attentionnel ou comportemental, mais qui est simplement lié à l'extrême timidité. On pourra me rétorquer que l'enseignant est là pour s'adapter aux contraintes et aux difficultés de l'élève en difficulté dans le monde idéal de l'inclusion scolaire... mais cela ne reste qu'un idéal parce que la réalité du terrain est tout autre.
Un enseignant a souvent été un bon élève, sinon, pourquoi serait-il retourné à l'école, au collège ou au lycée ? Un bon enseignant a souvent été un mauvais élève à l'école parce qu'il a su surpasser ses difficultés et qu'il a lui-même été en difficulté et qu'il s'en est sorti et qu'il revient à l'école malgré son "histoire scolaire"
cela va peut-être en choquer plus d'un, mais beaucoup d'enseignants ne sont pas de "bons enseignants".
Il y a une différence entre la diffusion de connaissance ou d'information et la transmission d'informations. Alors que l'un ressemble plus aux infos diffusées en continu à la TV la transmission s'implique dans la formation de l'élève, elle s'adapte.
Il y a quelques années de cela, je me suis demandé pourquoi les études d'enseignement du premier et second de degré n'étaient pas au même niveau que celle de médecine... Cela peut paraître aberrant, mais cela demande un tel investissement d'enseigner et une telle responsabilité que cela m'interrogeait. J'étais perplexe face aux regards atterrés de mes camarades de Master. "J'ai dit quelque chose de mal ?"
Il existe des spécialités quasiment autant qu'en médecine et il existe également l'apprentissage d'une pratique qui ne nécessite pas forcément que deux stages en première et deuxième année de Master. Et c'est sans parler des élèves à besoins éducatifs particuliers qui sont à ce jour la seule spécialité reconnue et enseignée individuellement aux enseignants "spécialisés".
Qu'est-ce que la pédagogie ? Qu'est-ce que la didactique des enseignements ? Qu'apprend-on à l'école, au collège et au lycée ? J'y ai passé 12 ans et le seul moment ou j'ai enfin appris quelque chose c'est il y a quelques mois quand j'ai commencé à enseigner et à donner des cours.
Alors je me suis rendu compte que j'avais perdu 12 ans de mon existence à apprendre l'anglais dont je ne me rappelle que quelques bribes, quelques principes mathématiques flous, de la géographie et de l'histoire que j'aurais pu très bien apprendre en lisant un livre ou en jouant à des jeux interactifs sur internet... Alors, notre école, notre système éducatif a besoin d'évoluer, a besoin d'un renouveau.
Nos élèves ont besoin de se former par eux même sans qu'un enseignant soit à leurs côtés, ou alors seulement comme un guide attentif et compréhensif. Si on laisse un enfant de dix ans sans qu'il aille à l'école, mais qu'il ait à sa portée une base de connaissance immense et variée qui se décline sur différents supports électroniques, papier ou jeux, je pense qu'en 12 ans de scolarité il apprendrait des choses dont il saurait se souvenir longtemps dans sa vie.
Jérôme Jouret est docteur en sociologie et a soutenu sa thèse sur le monde de l'insertion professionnelle des jeunes travailleurs handicapés : entre segmentation et normalisation le 26 janvier 2024 à l'université de Reims Champagne Ardennes sous la codirection d’Emmanuelle Leclercq et Florence Legendre. Il est titulaire d’un master de science de l’éducation, orientation pratique et ingénierie de la formation dans un parcours Handicap et Besoin Éducatif Particulier, d’une maîtrise en psychopathologie et d’une licence en psychologie. Il a réalisé son mémoire de master sur le thème des besoins de formation des travailleurs d’ESAT en Champagne Ardennes sous la direction de Florence Legendre et en partenariat avec l’UNIFAF Châlons en Champagne. Actuellement en poste au sein de l'éducation nationale en tant que Coordonnateur Conseil MLDS ( Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire).
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