27 Février 2019
Comme certains le savent ici, j'ai participé il y a un petit moment à "Ma thèse en 180 secondes". Et cela ne m'a pas apporté tout ce que j'aurais espéré. Le but était de concourir, de répéter un texte de vulgarisation de notre sujet de recherche. Pour certains c'était plus difficile qu'on pourrait le croire. Comme j'étais alors en première année de thèse et que j'étais encore dans la formulation de mon sujet, je partais avec des à priori, avec des doutes et des questionnements. Ces mêmes questionnements qui sont le quotidien du chercheur et notamment du chercheur débutant.
Qui que l'on soit, on a toujours besoin d'une forme de reconnaissance de son travail. On a besoin de découvrir, d'explorer, de lire et de faire de nouvelles découvertes scientifiques qui vont révolutionner le monde. Je voulais lutter contre l'injustice qui touchait les travailleurs handicapés, je voulais être un fervent défenseur des droits des plus faibles et j'étais alors engagé dans un processus de revendication.
Même si cet aspect tend à disparaître au fil des mois et des années, cet aspect "revendication" fait toujours parti du processus qui me pousse à continuer mes recherches, mais je dois rester objectif, je dois parfois prendre de la distance pour comprendre comment fonctionne la société et la prise en charge du handicap, parce que si je reste "la tête dans le guidon", je ne verrais que la route et les roues de mon vélo.
J'ai fait alors un discours de revendication sociale, politique et institutionnelle de la prise en charge du handicap pour "Ma thèse en 180 secondes" et je n'ai pas gagné. Mais ce que je fais sur ce blog, qu'est-ce que c'est alors ? J'essaie de faire découvrir des sujets polémiques, de faire interagir des personnes sur des thématiques que l'on aborde que peu dans les médias, j'essaie de faire réfléchir ceux qui me lisent et pour moi, c'est cela la vulgarisation scientifique.
Parce que j'avoue, parfois, l'utilisation d'un jargon scientifique hyper spécialisé peut dérouter. Voilà pourquoi lors d'une formation sur la méthodologie scientifique un autre Doctorant a posé la question de savoir si les anciens auteurs en sociologie, en psychologie étaient toujours d'actualité. J'ai trouvé la réponse de la formatrice très pertinente mais théoriquement et scientifiquement trop proche de son interprétation sociologique. Elle est sociologue et même si tout le monde a compris ce qu'elle voulait dire, je pense qu'une personne qui n'est pas dans une démarche universitaire n'aurait pas compris et je me suis demandé comment est-ce que l'on pourrait expliquer ce qu'elle a dit d'une manière précise claire et concise.
Que ce soit Durkheim, Weber, Marx, tous ces auteurs ont conçu des modèles théoriques, des constructions qui ne sont que des outils de compréhension. De ces notions, ils en ont fait des concepts qu'ils ont rattachés à leur époque pour expliquer les phénomènes sociaux qui les environnaient.
D'où la question de ce doctorant : "Finalement, après toutes ces années, est-ce que c'est toujours valide ?" La même question pourrait être posée aux psychanalystes : "Est-ce que mes théories de Freud sont toujours valides ?"
Il faut faire la distinction entre les notions et les mécanismes qui les ont conçus. Et alors que la formatrice exposait sa réponse, j'ai eu une image en tête.
Tout le monde à une idée de ce que c'est que le temps. C'est une notion et personne n'oserait le remettre en cause, parce que c'est une notion qui est au centre même de notre existence. Pour autant, il existe différentes manières de le mesurer, de le quantifier. Un horloger qui aura passé des années à perfectionner une montre à gousset mécanique, qui aura poncé pendant des heures chaque rouge pour qu'il s'adapte parfaitement à l'ensemble aura créé un outil de mesure extrêmement performant. Mais cet outil sera difficile à utiliser, il faudra le remonter, le faire réparer de temps en temps, changer des pièces et il sera donc extrêmement couteux.
Pour autant, à une époque, lors de la révolution industrielle, de nombreuses personnes avaient cette même montre à gousset. C'était une manière classique de mesurer le temps, c'était un mécanisme "utilitaire" et qui de nos jours, son l'entretien bien, que l'on continue à changer les pièces et à le remonter il fonctionnera encore.
Mais maintenant, nous avons nos téléphones qui indiquent l'heure, nous avons des montres numériques qui paraissent plus sophistiquées, mais lorsqu'il s'agit de l'heure, elles indiqueront toujours la même chose qu'une vieille montre à gousset.
La sociologie a des outils anciens, performants qui ne font qu'expliquer des notions qui ne changent pas et dés lorsqu'il s'agit de mesurer autre chose, il suffit simplement de changer d'outil d'analyse et ne pas se dire "tiens, cette montre à gousset n'indique pas la température", ça n'a pas de sens de dire cela. Alors les vieilles théories sont parfois désuètes, parce qu'on leur demande d'expliquer une notion pour laquelle elles n'ont pas été construites. Voilà tout le problème.
Avec son portable, on peut lire l'heure, regarder la météo, consulter ses mails, prendre une photo et appeler son meilleur ami tout en notant sur son calendrier la date de rendez-vous. Mais encore une fois, utiliser une vieille mécanique sociologique spécialisée pour expliquer une notion ne perd pas son sens tant que l'on arrive à situer la spécificité de ce que l'on recherche.
Jérôme Jouret est docteur en sociologie et a soutenu sa thèse sur le monde de l'insertion professionnelle des jeunes travailleurs handicapés : entre segmentation et normalisation le 26 janvier 2024 à l'université de Reims Champagne Ardennes sous la codirection d’Emmanuelle Leclercq et Florence Legendre. Il est titulaire d’un master de science de l’éducation, orientation pratique et ingénierie de la formation dans un parcours Handicap et Besoin Éducatif Particulier, d’une maîtrise en psychopathologie et d’une licence en psychologie. Il a réalisé son mémoire de master sur le thème des besoins de formation des travailleurs d’ESAT en Champagne Ardennes sous la direction de Florence Legendre et en partenariat avec l’UNIFAF Châlons en Champagne. Actuellement en poste au sein de l'éducation nationale en tant que Coordonnateur Conseil MLDS ( Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire).
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