Frise chronologique : les modalités de traitement de l'anormalité (de l'antiquité jusqu'à la période moderne)

Chaque époque est associée à des représentations, des institutions sociales différentes, des types de populations variés, ainsi qu'à des pratiques et des modalités de traitement social et institutionnel de l'anormalité. Le processus de normalisation ainsi que le processus de segmentation sont inhérents à chaque époque et à chaque culture. Ce qui change se situe dans les pratiques qui en découlent. L'altérité se situe dans un paradoxe, entre acceptation et refus, dont la finalité est le bon fonctionnement de la société et de la cité.

« Lorsque les dieux étaient irrités contre les hommes, ils faisaient naître d’eux une descendance anormale. Rien d’étonnant si ces nouveau-nés étaient considérés comme maléfiques. Nous distinguons nettement entre cause et effet ; bien des superstitions prouvent combien, primitivement, les deux notions sont mêlées l’une à l’autre. Et, souvent, l’évolution même d’une légende nous permet de saisir le moment où la logique est devenue plus exigeante. » (Delcourt, 1986, p.29)

Les modalités de traitement relèvent de plusieurs institutions sociales : la famille, la religion et la politique. C'est autour des institutions sociales qu’elles se construisent et qu’elles deviennent de plus en plus spécialisées. De plus, elles sont aussi influencées par le milieu social, ainsi que par les représentations de la normalité, comme le montre l’extrait ci-dessous.

« L’altération du corps chez les Anciens n’impliquait donc pas une incapacité totale de la personne. Si elle ne pouvait accomplir tel ou tel geste, elle est sans doute en mesure d’en faire d’autres. Les activités étaient réparties en fonction des possibilités, l’infirmité ne dispensant pas de prendre part à la vie de la communauté. Cette attitude explique en partie pourquoi les Anciens n’ont jamais ressenti le besoin d’établir une définition de l’atteinte physique. » (Husquin, 2017) p. 159-174

Ces modalités de traitement sont variées et dépendent à la fois des professionnels et des espaces de soin. Elles sont elles aussi soumises à une double tension : un traitement global sans distinction des limitations et un traitement différencié. Les processus de segmentation et de normalisation sont construits socialement par des institutions sociales et des pratiques. L'objet de cette recherche n'est pas de décider quel processus ou dispositif est pertinent, mais de comprendre les limites et les apports de chacun d'eux du point de vue sociohistorique, législatif et statistique.

L'Antiquité segmentait ses modalités de traitement entre familial, religieux et politique. Cette logique de segmentation et de normalisation s'est poursuivie pendant le Moyen Âge où deux modalités se démarquent : la charité (normalisation) et le contrôle social (segmentation). Le Siècle des Lumières est dans une logique de respect de la vie humaine et d'humanisme. La segmentation des types d'anormalité n'arrive que pendant la période du Siècle des Lumières avec la spécialisation des espaces de soin. D'autres facteurs interviennent dans cette segmentation et cette normalisation : l'augmentation de la qualité de vie ainsi qu’un meilleur traitement des enfants ayant des maladies acquises durant la petite enfance. Cette partie sociohistorique est aussi celle de la catégorisation des populations pendant l'Antiquité, au Moyen Âge, au Siècle des Lumières ou à l'époque contemporaine. Il sera fait mention des blessés de guerre, des malades chroniques et de la naissance des enfants infirmes.

Néanmoins, la population des infirmes est un public complexe à comprendre et à appréhender. La peur de la reconnaissance, la peur de l'anormalité en sont les causes. La personne infirme, pauvre, est soit sous le feu des projecteurs, soit exclue de cette société de la normalisation. Dans les deux cas, elle est en décalage par rapport à la norme.