23 Septembre 2019
Cette thématique est peu souvent mise en avant dans le secteur professionnel. Il existe plusieurs explications par rapport à ce phénomène. Tout d'abord, le taux d'embauche des travailleurs handicapés est très peu valorisé et mis en avant.
L'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap est alors considrée et pensée comme l'achèvement de la carrière de ces travailleurs. Que ce soit des travailleurs d'ESAT sans possibilité d'augmenter en responsabilité et devant effectuer la même tâche pendant des années. Pour certains travailleurs, cela leur convient. L'ESAT est pensé dans l'optique de founir un lieu professionnel adapté à des personnes qui se retrouvent confronté à la difficulté de l'entrée dans le marché de l'emploi.
Mais d'autres travailleurs handicapés qui travaillent en ESAT ont besoin d'évolution professionnelle. Et j'en reviens toujours à ce témoignage d'un moniteur d'atelier qui répondait à ma question de savoir si un "usager" pouvait devenir un moniteur d'atelier, ayant acquis au fil des années un savoir faire et une compétence suffisante. "Il ne va pas prendre ma place quand même ?!". La barrière entre le monde professionnel ordinaire et le monde professionnel est immense. Mais plus encore, au sein même des établissements existe une différence de prise en charge.
J'ai récemment pu discuter au sein d'une association avec un salarié en entreprise adaptée et un usager en établissement de service et d'aide au travail. La personne qui travaillait à l'entreprise adaptée insistait sur la différence entre les usagers ( travailleurs d'ESAT) et les salariés de l'EA.
Alors que j'ai pu discuter avec d'autres personnes, des acteurs institutionnels qui voient les EA et les ESAT comme étant régie sous les même réglementations, les mêmes lois, les mêmes obligations et les mêmes droits. Il s'agit alors des représentations que se font les salariés et les usagers de leur travail. Comment est-ce qu'un travailleur(se) handicapé (e) en ESAT va t-il concevoir le travail qu'il effectue ? Et comment est-ce qu'un ou une travailleur(se) handicapé(e) qui travaille en EA va t-il ou elle percevoir la tâche qu'il ou elle effectue ?
Un jeune travailleur handicapé qui sort de son parcours scolaire va se retrouver confronté à un choix imposé par les normes professionnelles et sociale. Il va devoir faire des démarches administratives parfois hors d'atteinte, s'en référer au choix de personnes valides qui vont décider à sa place. Est-ce que ce sera l'ESAT ( qui est une forme de sécurité professionnelle) ? Est-ce que ce sera l'EA ? Ou est-ce que cette personne se retrouvera au chômage car son cas n'a pas pu être traité. Il ou elle va alors devoir aller à Cap emploi, car il ne pourra pas accéder Pôle emploi. Il va devoir justifier de sa différence, devant des jury, devant des commissions pour enfin obtenir un emploi, qui espérons le, sera adapté à sa problématique. Mais il va se retrouver dans un milieu ou sa différence sera en exergue par rapport aux autres.
Mais ce sera là l'achèvement de sa carrière. Bien entendu, il existe des entreprises où le ou la directeur(trice) est porteur(se) d'un handicap. Il ou elle est malvoyant(e), sourd(e) et muet(te) et du coup il ou elle va s'engager professionnellement dans l'inclusion d'autres travailleurs handicapés. Mais la question se pose, la cohabitation, la cohésion professionnelle entre salarié(e)s handicapé(e)s et salarié(e)s ordinaires est-elle viable et possible ?
Cela va dépendre des normes de l'entreprise, de sa capacité d'adaptation, mais également de penser l'inclusion pas seulement pour les personnes ayant une RQTH, mais pour toutes les personnes ayant besoin d'adaptation. Il reste important, dans la gestion de ce type de structure de ne pas différencier et d'offrir à chaque travailleur le même bagage professionnel, quel que soit son diplôme, quel que soit ses compétences afin d'ouvrir les mêmes voies d'évolution professionnelle.
Jérôme Jouret est docteur en sociologie et a soutenu sa thèse sur le monde de l'insertion professionnelle des jeunes travailleurs handicapés : entre segmentation et normalisation le 26 janvier 2024 à l'université de Reims Champagne Ardennes sous la codirection d’Emmanuelle Leclercq et Florence Legendre. Il est titulaire d’un master de science de l’éducation, orientation pratique et ingénierie de la formation dans un parcours Handicap et Besoin Éducatif Particulier, d’une maîtrise en psychopathologie et d’une licence en psychologie. Il a réalisé son mémoire de master sur le thème des besoins de formation des travailleurs d’ESAT en Champagne Ardennes sous la direction de Florence Legendre et en partenariat avec l’UNIFAF Châlons en Champagne. Actuellement en poste au sein de l'éducation nationale en tant que Coordonnateur Conseil MLDS ( Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire).
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